Thèse

Récit et médiation scientifique « sur le terrain » en géologie : une approche épistémologique et didactique de la mise en récit dans les situations de médiation de la géologie in situ

Par Dessart François
Directeur ou directrice de thèse : Éric Triquet et Gweltaz Mahéo
Université de soutenance : Université de Lyon
Année de soutenance : 2019
Résumé :
Cette recherche doctorale s’intéresse à des situations de médiation des savoirs géologiques in-situ. Elle s’interroge notamment sur les modalités de production d’un discours par des médiateurs-guides « de terrain », qui reconstituent l’histoire d’un géosite. Plus particulièrement, cette recherche étudie la façon dont les savoirs géologiques convoquent le récit et comment ils articulent les deux approches fonctionnalistes et historiques de la géologie de terrain. Au travers d’une étude de cas, elle explore les dimensions épistémologiques et didactiques des narrations mises en œuvre dans ces médiations scientifiques « sur le terrain ». Dans une analyse épistémologique de la géologie de terrain, nous avons mis en évidence la nécessité de construire le « réel de terrain », et nous avons montré les diverses formes que prend la temporalité dans les reconstitutions historiques. Nous avons également montré comment les modes de raisonnement de la géologie confrontent fonctionnalisme et historicisme, au travers d’une dualité loi/histoire. Nous nous sommes ensuite inscrits dans un cadre didactique pour penser la médiation des savoirs géologiques. Il s’est agi de rechercher comment le médiateur construit le réel de terrain, et comment il reconstitue des événements le long des temps géologiques. Il doit pour cela aller au-delà des phénomènes géologiques, et mettre en œuvre une démarche historique rationnelle, fondée sur des nécessités historiques. Les contraintes qui s’imposent au médiateur de terrain sont liées à la « captation » de son public par l’intermédiaire de narrations. Mais le récit, au travers d’un jeu d’intrigue et de rupture dans le cours des choses, permet avant tout la reconstitution de l’histoire géologique dans son cadre évolutionniste, où le changement organise la direction — mais non la finalité — de l’histoire. La thèse défendue est que le récit intervient dans le discours des médiateurs comme un processus narratif qui construit le lien entre le « non-actuel géologique » et l’univers matériel qui semble s’imposer comme forme prépondérante du réel de terrain. Face à un empirisme « naïf », nous défendons l’idée que le récit construit une causalité narrative évoluée, à l’origine d’une démarche historique rationnelle. Notre méthodologie s’est construite sur la recherche systématique, grâce au logiciel Transana, d’indicateurs de mise en récit, de fictionnalisation et de démarche historique. Les résultats produits montrent que les mises en récit structurant le discours sont très discrètes, et mobilisent une forme prédominante de fonctionnalisme, qui se focalise sur les phénomènes (an-historiques) et rend difficile la prise en charge des temps géologiques par les médiateurs. Néanmoins, des histoires géologiques sont produites, notamment grâce à des emboitements de récits, utilisés par le médiateur pour organiser les événements entre eux, au sein d’un cadre évolutif fondé sur le changement. Mais les formes de causalité narrative mises en œuvre, notamment par l’intermédiaire d’analepses, n’engagent pas de véritables rétrodictions de l’histoire géologique et de ce fait peinent à construire une rationalité historique. La thèse montre que l’exploration des possibles explicatifs est fréquemment prise en charge par l’activité de fictionnalisation. Ces « fictions » invitent le public à une immersion dans l’univers virtuel de la géologie. Par mise en œuvre de la mimesis fictionnelle, le médiateur « contrôle » ces virtualités et prend ainsi en charge le non-actuel de terrain en ne s’enfermant pas dans une transmission purement magistrale des savoirs géologiques. La thèse conclut que le récit est un véritable outil de construction rationnelle de l’histoire, qui joue un rôle fondamental dans les sciences, dans la mesure où celles-ci étudient des objets qui pour la plupart s’inscrivent dans une histoire. En ce sens, par le récit, la science contrôle le temps